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1679 détails de ce qui touche les gens que j’aime. Je suis donc bien contente jusque-là mais cette colique, mon pauvre Monsieur, me donne bien de l’inquiétude : cela vient d’une âcreté de sang qui cause tous ses maux ; et quand je pense combien elle se soucie peu de l’apaiser, de le rafraîchir, et qu’elle va trouver l’air de Grignan, je vous assure qu’il s’en faut bien que je sois en repos. Vous me remettez un peu par le compliment du père du précepteur, qui fut reçu dans une position si convenable à sa vocation[1]. N’admirez-vous point son opiniâtreté à ne vouloir pas se servir de votre litière ? Quelle raison pouvoit-elle avoir ? Avoit-elle peur de ne pas sentir tous les cruels cahots de cette route ? Puisqu’elle a tant de soin du petit minet, que ne le mettoit-elle auprès d’elle ? Quelle façon, quelle fantaisie musquée ! Tout ce que je dis est inutile, mais je ne puis m’empêcher d’être en colère. Dites le vrai, mon cher Monsieur : vous l’avez trouvée bien changée ; sa délicatesse me fait trembler. Je suis toujours persuadée que si elle vouloit avoir de l’application à sa santé, elle rafraîchiroit ce sang et ce poumon qui fait toutes nos frayeurs. Vous me demandez ce que je fais : hélas ! je suis courue dans cette forêt cacher mon ennui. Vous devriez bien m’y venir voir ; nous causerions ensemble deux ou trois jours, et puis vous remonteriez sur l’hippogriffe (car je suppose que vous auriez pris cette voiture plutôt que la litière), et vous retourneriez aux sermons du P. Honoré[2]. Ma fille

  1. Lettre 735 (revue sur l’autographe). 1. Dans l’original on lirait plutôt vacation que vocation.
  2. 2. Ce père prêchait alors à Semur, où le comte et la comtesse de Guitaut avaient été passer plusieurs jours pour l’entendre : voyez une note de Bussy, qui se trouva aux mêmes sermons (tome IV, p. 456 de sa Correspondance) ; voici le portrait que Bussy fait de lui dans une autre note (p. 449) « J’allai à Semur (le 10 septembre 167g) entendre le P. Honoré, de Cannes, dont je fus fort satis-