Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 vous attendre que celle de Grignan sera bien pis[1]. Ainsi, ma fille, il faudra prendre une résolution sage, et n’être plus ici un pied en l’air, comme vous êtes toujours[2] ; il n’y a rien de bon avec cette agitation d’esprit ; vous devez changer de style, puisque vous changez de santé et de tempérament ; vous devez dire : « Je ne puis plus voyager, il faut que je me remette[3], le repos et le bon air me sont nécessaires, » et ne point dire : « Je me porte parfaitement bien, » quand vous vous portez parfaitement mal. Laissez-vous donc un peu conduire, ne cachez rien à M. de Grignan, qui vous aime et qui ne veut pas vous perdre ; mais il semble que vous veuilliez le tromper et vous tromper aussi. Enfin, ma très-chère, il faudra rectifier toutes ces manières, qui jusqu’ici n’ont servi qu’à à vous faire beaucoup de mal. Nous en parlerons encore ; mais je ne puis m’empêcher de vous dire tout ceci, sur quoi vous pouvez faire des réflexions.

Vous trouvez, ce me semble, la cour bien orageuse.

  1. 4. « Vous attendre à l’être encore plus de celle de Grignan. » (Édition de 1754.) — Le château de Grignan est fort élevé, et par conséquent plus exposé à tous les vents qu’Aix et Salon. La bise est un vent qui souffle entre l’est et le nord, et qui est dangereux pour les poitrines foibles, surtout dans les provinces voisines des Alpes et de la Méditerranée, où la bise est aussi très-contraire à la navigation. (Note de Perrin.) — Voyez tome V, p. 199, note 8.
  2. 5. « Il faudra prendre une résolution sage ; il faudra, quand vous serez ici, n’être plus, comme vous êtes toujours, un pied en l’air. » (Édition de 1754.)
  3. 6. « Il faut que je me remette ; » mais au lieu de parler sincèrement de votre état à M. de Grignan, qui vous aime, qui ne veut pas vous perdre, et qui voit comme nous combien le repos et le bon air vous sont nécessaires, il semble au contraire que vous vouliez le tromper et vous tromper aussi en disant : « Je me porte parfaitement bien, » quand vous vous portez parfaitement mal. Il s’agira donc de rectifier toutes ces manières, qui jusqu’ici n’ont servi qu’à détruire votre santé. Nous en parlerons, etc. » (Ibidem.)