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1680 compenser des présents du temps passé, qui n’avoient point été rendus, parce qu’en ce temps-là les louis étoient moins fréquents.

Mme de Soubise est toujours à Paris sans vouloir être vue ; on croit qu’elle y sera plus longtemps qu’elle ne pense, et a dit[1] plusieurs choses qui ont déplu. Monsieur a prié Beauvais de quitter le Palais-Royal : il la trouva dans la chambre de Madame qui parloit au comte de Soissons[2]. Elle est chez Mme de Vibraye. Voilà le

  1. 19. « Elle a dit. » (Édition de 1754.)
  2. 20. Louis-Thomas de Savoie, comte de Soissons, fils d’Olympe Mancini, qui mourut des blessures reçues devant Landau au service de l’Empereur, le 25 août 1702, à l’âge de quarante-quatre ans, épousa secrètement, le 12 octobre 1680, en l’église de la Folie-Herbaut, diocèse de Chartres, Uranie de la Cropte de Beauvais, fille de François-Paul de la Cropte, marquis de Beauvais, maréchal de camp, écuyer du grand Condé, et de Charlotte-Marie de Martel, comtesse de Marennes. D’après une note communiquée à M. Monmerqué par l’abbé de Feletz, la bénédiction nuptiale « pour réhabiliter, en tant que besoin seroit, la célébration du mariage faite entre les parties le 12 octobre 1680, » leur fut plus tard (la nuit du 27 au 28 février 1683) donnée publiquement dans l’église de Saint-Sulpice, par Fénelon (dont la mère était Louise de la Cropte). La famille de la Cropte est une des plus anciennes du Périgord, et n’avait aucune alliance avec celle de Mme de Beauvais, femme de chambre de la reine Anne d’Autriche. Elle comprenait trois branches : Beauvais, Chantérac et Bourzac. Du mariage du comte de Soissons et d’Uranie de la Cropte naquit Emmanuel, prince de Soissons, colonel d’un régiment de cuirassiers de l’Empereur, mort sans postérité, et Louise-Victoire de Carignan, qui recueillit seule la succession du prince Eugène de Savoie, son oncle, qu’elle transporta dans la maison de Saxe-Hildbourghausen, par son mariage avec un prince de cette famille. Après la mort du comte de Soissons, sa veuve se retira au monastère de BelleChasse, où elle mourut le 14 novembre 1717, âgée de soixante et un ans. « Elle étoit, dit Saint-Simon, belle comme le plus beau jour, et vertueuse, brave, avec ces grands traits qu’on peint aux sultanes et à ces beautés romaines, grande, l’air noble, doux, engageant, avec peu ou point d’esprit. Elle surprit la cour par l’éclat de ses charmes, qui firent en quelque manière pardonner presque au comte de Sois-