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733. DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Livry, mercredi 20e septembre.

Vous ne trouvez nullement étrange de ne me point voir dans le bateau ; vous ne me demandez point à Auxerre, à Chalon, à Lyon, ni même à Grignan. Pour moi, je suis tellement frappée de vous avoir vue ici, qu’il me semble que je dois vous rencontrer à tout moment. Je veux trouver aussi Mlles de Grignan et mon petit marquis : enfin je. suis si fâchée de me trouver toute seule, que contre mon ordinaire je souhaite que le temps galope, et pour me rapprocher celui de vous revoir, et pour m’effacer un peu ces impressions trop vives. Est-ce donc cette pensée si continuelle qui vous fait dire qu’il n’y a point d’absence ? J’avoue que par ce côté, il n’y en a point ; mais comment appelez-vous ce que l’on sent quand la présence est si chère ? Il faut, par nécessité, que le contraire soit bien amer.

J’apprends dans ce moment que la Trousse est parti pour Ypres[1] ; sa femme n’a jamais voulu lui dire adieu ; c’est un état pitoyable que le sien ; je la plains, puisque c’est la tendresse qui la fait souffrir : il y a bien de l’apparence que les sujets de sa douleur ne finiront point. La reine d’Espagne devient fontaine[2] aujourd’hui ; je comprends bien aisément le mal des séparations. Je vous suis pas à pas : vous êtes à Lyon, vous avez vu Guitaut. J’ai me extrême impatience de savoir de vos nouvelles.


Mercredi, à six heures du soir.

Je reçois, ma très-aimable, votre lettre de tous les

  1. Lettre 733. 1. Voyez tome V, p. 374, et la note 3.
  2. 2. Voyez tome IV, p. 106, note 5.