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1679 sentiments ; se peut-il rien ajouter à la tendresse et à la droiture de leurs pensées ? Je n’oublierai rien pour leur confirmer la bonne opinion qu’ils ont de l’amitié et de l’estime que j’ai pour eux ; elle est augmentée par leurs malheurs ; je suis assez persuadée, ma fille, que le nôtre a contribué à leur disgrâce. Jetez les yeux sur tous nos amis, et vous trouverez vos réflexions fort justes. Il y auroit bien des choses à dire sur toute cette affaire ; tout ce que vous pensez est fort droit[1]. Je crois vous avoir fait entendre que depuis longtemps on faisoit valoir les minuties, et cela avoit formé une disposition qui étoit toujours fomentée dans la pensée d’en profiter, et la dernière faute impatienta et combla cette mesure : d’autres se servirent sur-le-champ de l’occasion, et tout fut résolu en un moment. Voici le fait : un courrier attendu avec impatience étoit arrivé le jeudi au soir ; M. de Pompone donne tout à déchiffrer, et c’étoit une affaire de vingt-quatre heures. Il dit au courrier de ne point paroître ; mais comme le courrier étoit à celui qui l’envoyoit, il donna les lettres à la famille : cette famille, c’est-à-dire le frère[2], dit à Sa Majesté ce qu’on lui mandoit[3] ; l’impatience prit de savoir ce qu’on déchiffroit ; on attendit donc le jeudi au soir, le vendredi tout le jour, et le samedi jusqu’à cinq heures du soir. Vraiment, quand il arriva[4], tout étoit fait ; et le matin encore on eût pu se remettre dans les arçons[5]. Il étoit chez lui à la campagne, persuadé qu’on ne sauroit rien ; il y reçut les déchiffrements le soir du vendredi ; il partit à dix heures

  1. 4. Ce membre de phrase n’est pas dans le texte de 1754.
  2. 5. Colbert.
  3. 6. « Ce qu’on mandoit de Bavière. » (Édition de 1754.)
  4. 7. « Quand M. de Pompone arriva. » (Ibidem.)
  5. 8. « Et le matin encore l’affaire n’étoit pas désespérée. » (Ibidem.)