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1679 Mme de Coulanges écouta et retint tout ce discours, et voulut vous le mander : je m’en suis chargée, et vous conjure, ma très-chère, d’y faire quelque réflexion, et d’essayer s’il dit vrai, et de mettre la conduite de votre santé devant tout ce que vous appelez des devoirs : croyez que c’est votre seule et importante affaire[1]. Si la pauvre Mme de la Fayette n’en usoit ainsi, elle seroit morte il y a longtemps ; et c’est par ces pensées que Dieu lui donne qu’elle soutient sa triste vie ; car, en vérité, elle est accablée de mille maux différents.

Je reçois dans ce moment votre paquet du 29e par un chemin détourné : voilà tout le commencement de ma lettre entièrement ridicule et inutile. Voilà donc[2] ce cher paquet, le voilà ; vous avez très-bien fait de le déguiser et de le dépayser un peu. Je ne suis point du tout surprise de votre surprise, ni de votre douleur : j’en ai senti, et en sens encore tous les jours[3]. Vous m’en parlerez longtemps avant que je vous trouve trop pleine de cette nouvelle ; elle ne sera pas sitôt oubliée de beaucoup de gens ; car pour le torrent il va comme votre Durance quand elle est endiablée ; mais elle n’entraîne pas tout avec elle. Vos réflexions sont si tendres, si justes, si sages et si bonnes, qu’elles mériteroient d’être admirées de quelqu’un qui valût mieux que moi.

  1. 26. « Et de mettre la conduite de votre santé, comme votre seule et importante affaire, devant tout ce que vous appelez des devoirs. » (Édition de 1754.)
  2. 28. « Le voilà donc. » (Ibidem.)
  3. 29. Dans l’impression de 1734 : « j’en ai senti et j’en sens encore tous les jours. » Dans celle de 1754 : « ce que j’en ai senti, je le sens encore tous les jours. »