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1679 suis la résidente de ma fille auprès d’elle : cela fait un assez grand commerce entre elle et moi. Le malheur ne me chassera pas de cette maison : il y a trente ans (c’est une belle date) que je suis amie de M. de Pompone ; je lui jure fidélité jusqu’à la fin de ma vie, plus dans la mauvaise que dans la bonne fortune. C’est, un homme d’un si parfait mérite, quand on le connoît, qu’il n’est pas possible de l’aimer médiocrement. Autrefois nous disions, chez Mme du Plessis, à Fresnes, qu’il étoit parfait ; nous ne trouvions pas qu’il lui manquât rien, et nous ne savions que lui ôter ni que lui souhaiter. Il s’en va reprendre le fil de toutes ces vertus morales et chrétiennes que les occupations nous avoient fait perdre de vue. Il ne sera plus ministre, il ne sera plus que le plus honnête homme du monde. Vous souvient-il de Voiture à Monsieur le Prince ?


Il n’avoit pas un si haut rang :
II n’étoit que prince du sang[1].

Il faudra donc se contenter de ce premier état de perfection. M. de Caumartin et moi étions à Pompone dans le temps que la Providence rompoit ses liens : nous le vîmes partir de cette maison, ministre et secrétaire d’État ; il revint le même soir à Paris, dénué de tout, et simple particulier. Croyez-vous que toutes ces conduites soient jetées au hasard ? Non, non, gardez-vous-en bien : c’est Dieu qui conduit tout, et dont les desseins sont toujours adorables, quoiqu’ils nous soient amers et inconnus. Ah ! que M. de Pompone regarde bien sa disgrâce par ce côté-là ! Et le moyen de perdre de vue cette

    vaisseau a fait naufrage ; chacun y est pour sa vade. » (Dictionnaire de Furetiêre.)

  1. 3. Voyez plus haut, p. 102, note 11.