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1679 ministre ; je le croyois plus assuré que les autres, parce qu’il n’avoit point de faveur. On dit qu’il y avoit près de deux ans qu’il étoit gâté auprès du Roi, qu’il étoit opiniâtre au conseil, qu’il alloit trop souvent à Pompone, que cela lui ôtoit l’exactitude, et qu’en dernier lieu, ce courrier de Bavière, qui étoit arrivé le jeudi au soir, et dont il ne vint rendre compte que le samedi à cinq heures du soir, a été[1] la dernière goutte qui a fait répandre le verre. Il se défend de cette faute, en disant qu’il falloit tout ce temps-là pour déchiffrer, et que si le courrier n’eût point paru, Sa Majesté n’eût point eu d’impatience ; mais il étoit à M. Colbert, et il donna ses lettres ; de sorte que les nouvelles étoient répandues, et le Roi n’avoit point ses lettres : jugez de son impatience[2] ; mais tout cela étoit marqué dans l’ordre de la Providence : il n’a point d’autre vue que celle-là, et c’est la seule qui puisse un peu calmer dans cette disgrâce.

Tout est bon à ceux qui sont heureux[3] ; tout a contribué à faire Mlle de Vauvineux princesse de Guémené[4] ;

  1. 6. « On dit qu’il y avoit près de deux ans qu’il étoit gâté auprès du Roi, et que le courrier de Bavière, dont il rendit compte un peu tard, a été, etc. » (Édition de 1734.)
  2. 7. Ce petit membre de phrase, ainsi que le mot mais, manque dans l’impression de 1754, qui, à la ligne suivante, au lieu du pronom il, donne M. de Pompone.
  3. 8. Voyez la fin de l’alinéa.
  4. 9. Charles de Rohan, prince de Guémené et due de Montbazon en 1699 (et non en 1689, comme il a été dit par erreur, tome II, p. 74, note 5), neveu du chevalier de Rohan (voyez tome III, p. 423, note 5), né en octobre 1655, mort le 10 octobre 1727, avait épousé en février 1678 Marie-Anne d’Albert de Luynes, fille du duc ; il était veuf depuis le mois d’août 1679 seulement, lorsqu’il épousa en secondes noces, le 2 décembre 1679, Mlle de Vauvineux, dont il avait déjà recherché la main avant son premier mariage, et dont il eut treize enfants. La Rivière écrivait à Bussy le 15 décembre 1679 : « J’apprends sans surprise le mariage du prince de Guémené avec Mlle de Vauvineux, parce qu’il l’avoit aimée avant que d’épouser