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1679

756. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, ce 29e novembre.

Vous nous parlerez longtemps du malheur de M. de Pompone avant que nous vous trouvions à la vieille mode, ma très-chère : cette disgrâce est encore bien vive dans nos têtes ; il est extrêmement regretté[1]. Un ministre de cette humeur, avec une facilité d’esprit et une bonté comme la sienne, est une chose si rare, qu’il faut souffrir qu’on sente un peu une telle perte. Je les vois souvent : je fus l’autre jour touchée de le voir[2] entrer avec cette mine aimable, sans tristesse, sans abattement. Mme de Coulanges m’avoit priée de l’y mener ; il la loua de s’être souvenue d’un malheureux ; il ne s’arrêta point longtemps sur ce chapitre ; il passa à ceux qui pouvoient former une conversation[3] ; il la rendit agréable comme autrefois, sans affectation pourtant d’être gai, et d’une manière si noble, si naturelle, et si précisément mêlée et composée de tout ce qu’il falloit pour attirer notre admiration, qu’il n’eut pas de peine à l’attirer, et même nos soupirs[4]. Enfin, nous l’allons revoir, ce M. de Pompone, si parfait, comme nous l’avons vu autrefois. Le premier jour[5] nous toucha : il étoit désoccupé, et commençoit à sentir la vie et la véritable longueur des jours ; car de la manière dont les siens[6] étoient pleins,

  1. Lettre 756 (revue sur une ancienne copie). — 1 Ce dernier membre de phrase a été supprimé par Perrin dans sa seconde édition (1754)
  2. 2. « Vous croyez bien que je vais souvent chez lui : je fus touchée l’autre jour de le voir, etc. » {Édition de 1754.)
  3. 3. « Il passa à ce qui pouvoit former une conversation. » (Ibidem.)
  4. 4. « Qu’il n’eut pas de peine à y réussir. » {Ibidem.)
  5. 5. Dans les deux éditions de Perrin : « Ce premier jour. »
  6. 6. « Que les siens. » (Édition de 1754.)