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1679 sonne. ? Je parlerois dix ans sur cette maladie, et sur le succès que vous voyez du contraire. Je voudrois bien vous voir, ma chère enfant, et vous retrouver les soirs[1]. Je rentre bien tristement dans cette grande maison[2] depuis neuf heures jusques à minuit ; je n’ai pas plus de compagnie qu’à Livry, et j’aime mieux ce repos et ce silence que toutes les soirées que l’on m’offre en ce quartier : je ne saurois courir le soir. Je m’aperçois que quand je ne suis point agitée de la crainte de votre santé, je sens extrêmement votre absence. Votre poitrine est comme des moraiiles[3], qui m’empêchent de sentir le mal de ne vous avoir plus ; je tiens de vous cette comparaison ; mais je retrouve bientôt ce premier mal, quand je ne suis pas bridée par l’autre. J’avoue seulement que je m’en accommode mieux que de l’horreur de craindre pour votre vie, et je vous fais toujours mille remerciements de m’ôter mes morailles.

Il en faudroit d’aussi dures que celles-là pour empêcher Mme de Vins de sentir vivement la disgrâce de M. de Pompone : elle y perd tout ; je la vois souvent ; le malheur ne me chassera pas de cette maison[4].

M. de Pompone prendra bien son parti, et soutiendra dignement son infortune ; il va retrouver toutes ces perfections d’un homme particulier[5] qui nous le faisoient admirer à Fresnes[6]. On dit qu’il faisoit un peu négligem-

  1. 10, « Que ne puis-je vous embrasser et vous retrouver ici les soirs ! » (Édition de 1754.)
  2. 11. « Dans cette maison. » (Ibidem.)
  3. 12. « Espèce de tenailles que les maréchaux mettent au nez ou à la lèvre d’en bas des chevaux, pour les empêcher de se tourmenter, lorsqu’on veut les ferrer ou leur faire le poil des naseaux et des oreilles. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  4. 13. Voyez la lettre du 6 décembre suivant, au comte de Guitaut.
  5. 14. « Toutes ces vertus d’une vie privée. » (Édition de 17S4.)
  6. 15. Voyez tome I, p. 439, la fin de la note 3.