1676
581. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Non, ma très-chère, ce n’est point pour vous épargner la fatigue d’un voyage au mois de décembre, que je vous prie de venir au mois d’octobre : c’est pour vous voir deux mois plus tôt. J’ai pris assez sur moi de n’avoir pas usé du droit que vous m’aviez donné de vous faire venir cet été : il faut me payer de cette complaisance ; et sans pousser l’irrésolution par delà toutes les bornes, vous partirez, comme nous en sommes demeurés d’accord, dans le temps que M. de Grignan ira à son assemblée : c’est de ce temps que je vous serai obligée, parce que je le compterai pour moi. Voilà, ma chère fille, ce que mon amitié espère de la vôtre : je n’en dirai pas davantage. Pour ma santé, elle est admirable[1] ; je mets mes mains deux fois le jour dans le marc de la vendange ; cela m’entête un peu ; mais je crois, sur la parole de tout le monde, que je m’en trouverai bien. Si je suis trompée, Vichy reviendra sur le tapis ; en attendant je fais tout ce qu’on veut, et me promène en long et en large[2] avec une obéissance merveilleuse. Je ne pousserai point ce séjour-ci plus loin que le beau temps ; je ne tiens à rien, et je ne ferai point une gageure d’y essuyer les brouillards d’octobre.
Vous ai-je mandé que Segrais est marié à une cousine très-riche[3], qui n’a pas voulu des gens proportionnés à ses richesses, disant qu’ils la mépriseraient et qu’elle