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1679 à mon avis, qu’après les pas que j’ai faits pour cela, je ne m’en soucie plus guère.

Il me conta qu’étant chez M. de Pompone avec la Feuillade, celui-ci avoit parlé de moi comme le meilleur de mes amis ; et sur cela, je lui en viens de faire compliment. Au reste, la Feuillade ne perdra pas l’avance qu’il fait de sa statue de marbre : le Roi, qui aime d’être aimé, la lui rendra avec usure.

Votre manière d’écrire, libre et aisée, me plaît bien davantage que la régularité de Messieurs de l’Académie ; c’est le style d’une femme de qualité, qui a bien de l’esprit, qui soutient le caractère des matières enjouées, et qui égaye celui des sérieuses[1].

Je vous plains fort, et Mme de Grignan aussi, d’être sur le point de vous séparer. Je sens mieux vos peines qu’un autre, quand je songe à celles que j’aurois s’il falloit qu’on tirât ma fille de Coligny d’auprès de moi ; on ne peut pas avoir plus de tendresse pour Mme de Grignan que nous en avons tous deux.

Il est vrai que les dépenses de la plaine d’Ouilles sont excessives ; je ne les approuve point ; ce n’est pas que je condamne les particuliers quand ils les font volontairement et sans s’incommoder, mais je voudrois que le Roi les défendit, et je trouverois plus beau, si j’étois à sa place, d’avoir de bonnes troupes vêtues simplement, que ruinées par la richesse de leurs habits et par la magnificence de leurs équipages.

Je demande par cet ordinaire les Fables de la Fontaine ; personne ne connoît et ne sent mieux son mérite

  1. 8. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « qui soutient les matières enjouées, et qui égayé les sérieuses ; » à la quatrième ligne du paragraphe suivant : « Mme de Coligny, » au lieu de « ma fille de Coligny ; » cinq et six lignes plus loin, les mots « volontairement et sans s’incommoder » manquent dans ce manuscrit.