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1679 plus rien ; on a perdu les dispositions favorables de prendre tout en bonne part ; enfin il n’est plus permis d’avoir tort ; et dans cette pensée l’amour-propre nous fait courir à ce qui nous peut soutenir contre cette cruelle décadence, qui malgré nous gagne tous les jours quelque terrain.

Voilà les réflexions qui me font croire que dans l’âge où je suis, on se doit moins négliger que dans la fleur de l’âge. Mais la vie est trop courte, et la mort nous prend que nous sommes encore tout pleins de nos misères et de nos bonnes intentions

Je loue fort la lettre que vous avez écrite au Roi ; je l’avois déjà dit à son ministre, et nous avions admiré ensemble comme le desir de l’immortalité, et de ne rien perdre de toutes les grandes vérités que l’on doit dire de son règne, ne l’a point porté à vouloir un historien digne de lui. Il reçut fort bien votre lettre, et dit en souriant : « Il a bien de l’esprit ; il écrira bien quand il voudra écrire[1]. » On dit là-dessus tout ce qu’il faut dire, et cela demeure tout court : il n’importe ; je trouve votre lettre d’un style noble, libre et galant qui me plaît fort. Je ne crois pas qu’autre que vous ait jamais conseillé à son maître de laisser dans l’exil son petit serviteur[2], afin de

  1. 3. « J’ai lu au Roi, dit Pompone à Bussy dans sa réponse, la lettre que vous avez bien voulu m’adresser pour Sa Majesté. Elle étoit telle et si pleine de zèle et de passion pour sa gloire et pour son service, qu’elle m’a paru en avoir été agréablement écoutée. »
  2. 4. Voici la phrase de la lettre de Bussy à laquelle Mme de Sévigné fait ici allusion : « Ce qui donnera encore beaucoup de créance à ce que j’écrirai de vous, Sire, ce sera de voir que je ne suis pas payé pour en parler, et de peur même qu’on ne croie un jour que c’étoit pour être rappelé que j’en disois tant de bien, je supplie très-humblement Votre Majesté de me laisser ici le reste de ma vie, où je la servirai mieux que la plupart de ceux qui l’approchent tous les jours. »