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1679

718. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN ET DE MADAME DE COLIGNY À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Huit jours après que j’eus reçu cette lettre, j’y fis cette réponse.
À Chaseu, ce 10e juin 1679.

du comte de bussy.

Quand on a tort, Madame, et qu’on l’avoue bonnement comme vous faites, on ne l’a presque plus : cependant cette sincérité, qui est la marque d’un cœur qui se repent, perdroit à la fin tout son mérite par de fréquentes rechutes. De sorte, ma chère cousine, que je vous conseille en ami de vous corriger à l’avenir, et de ne plus remettre à Livry les réponses que vous avez à me faire ; car outre qu’en répondant si tard, vous ne sauriez plus imiter les conversations, qui est la chose la plus agréable dans un commerce de lettres, c’est que vous me faites voir que vous ne m’entretenez que quand vous n’avez plus personne à qui parler, et cela n’est pas si tendre que vous dites. Je sais bien que c’est à moi à faire[1] l’honneur de la maison ; mais une si longue absence que la mienne devroit un peu me faire avoir de vous des égards qu’on a pour les étrangers. Que ne suis-je à Livry avec vous, Madame, quand ce ne seroit que pour vous épargner les offenses que vous me faites ! car je crois que quand je vous dirois quelque chose, vous ne remettriez pas à me répondre deux mois après.

Je vous plains extrêmement s’il faut que le devoir de la belle Madelonne vous sépare d’elle cet été ; je sens

  1. Lettre 718. — 1. « Qu’il faut que je vous aide à faire, etc. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.) Deux lignes plus loin, Bussy a corrigé après coup, dans ce manuscrit, « des égards » en « les égards. »