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1678 pensiez que je puisse aimer votre absence. Vous ne sauriez le croire, si vous pensez à l’infinie tendresse que j’ai pour vous : voilà comme elle est invariable et toujours sensible. Tout autre sentiment est passager et ne dure qu’un moment ; le fonds est comme je vous le dis. Jugez comme je m’accommoderai d’une absence qui m’ôte de légers chagrins que je ne sens plus, et qui m’ôte une créature dont la présence et la moindre amitié fait ma vie et mon unique plaisir. Joignez-y les inquiétudes de votre santé, et vous n’aurez pas la cruauté de me faire une si grande injustice ; songez-y, ma bonne, à ce départ, et ne le pressez point ; vous en êtes la maîtresse. Songez que ce que vous appelez des forces[1] a toujours été par votre faute et l’incertitude de vos résolutions ; car pour moi, hélas je n’ai jamais eu qu’un but, qui est votre santé, votre présence, et de vous retenir avec moi. Mais vous ôtez tout crédit par la force des choses que vous dites pour confondre, qui sont précisément contre vous. Il faudroit quelquefois ménager ceux qui pourroient faire un bon personnage dans les occasions. Ma pauvre bonne, voilà une abominable lettre ; je me suis abandonnée au plaisir de vous parler et de vous dire comme je suis pour vous : je parlerois d’ici à demain ; je ne veux point de réponse ; Dieu vous en garde ! ce n’est pas mon dessein. Embrassez-moi seulement et me demandez pardon ; mais je dis pardon d’avoir cru que je pusse trouver du repos dans votre absence.

  1. 7. Mme de Sévigné avait d’abord écrit des farces (au lieu de forces ?) sont, puis elle a effacé sont, pour mettre « a toujours été. »