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1678 prendriez combien je l’aime, et je suis si content du Cardinal que je lui souhaiterois dix ans moins que son pensionnaire : ce seroit le compte de tous les deux.

Je suis fâché aussi bien que le Roi des excès de la bassette ; car j’aime mon maître, tout maltraité que j’en suis, et j’ai peur que le public n’excuse pas, autant que je fais, la complaisance qui le fait souffrir un si gros jeu. Je ne doute pas de la paix d’Allemagne cet hiver. Nous croyons bien, Mme de Coligny et moi, que la belle Madelonne nous aime en toute saison, quoiqu’elle ne nous l’écrive pas quand il fait grand froid, et vous jugez bien de ce que cela fait sur les cœurs des gens qui ne sont pas ingrats, et qui connoissent combien elle est aimable. Pour vous, ma chère cousine, nous vous aimons par les mêmes raisons, et encore parce que vos lettres nous plaisent infiniment. Il est vrai que les projets des hommes les plus sages sont bien peu de chose quand il plaît à Dieu de les confondre[1] et quand il lui plaît aussi, les conduites folles ont d’heureux succès : cependant il est toujours bon d’être sage ; car outre qu’on n’a rien à se reprocher quand on n’a pas réussi, c’est que d’ordinaire Dieu se met du côté des prudents. Tout ceci est à propos de M. de Navailles ; je le plains extrêmement. Vous me mandez qu’au travers de la sainteté de ma fille de Sainte-Marie, vous voyez bien qu’elle est ma fille et moi je vous réponds qu’au travers de mon air du monde, Monsieur d’Autun vous pourroit dire qu’il voit bien par mon détachement que je suis père d’une fille qui a de la vertu. Mais à propos de lui, Madame, vous ne l’auriez pas oublié dans votre lettre si vous aviez su qu’il étoit

  1. 2  « De les confondre manque dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale. A la fin du paragraphe, ce manuscrit donne : « il n’est pas tout à fait comme les évêques réguliers. »