Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1678

de madame de grignan.

Et ne pourrois-je pas les faire moi-même, sans en donner la peine à un autre[1] ? Assurément, Monsieur, je ne résiste jamais à la tentation de vous mettre un mot dans les lettres de ma mère. Si vous demandez quelle interprétation je donne au mot de tentation, c’est en vérité par rapport à vous, que je crains d’ennuyer ; car pour moi, je ne puis me faire que du bien, en vous faisant souvenir de moi, et m’attirant mille douceurs que vous me dites d’une manière toute nouvelle. Peut-être même que vos maîtresses n’ont jamais goûté le plaisir de vous entendre souhaiter d’aller en enfer avec elles ; et ce souhait est mille fois plus obligeant que d’y aller simplement avec elles[2], sans songer où l’on va. Si Mme de Coligny avoit bien voulu aussi passer son éternité avec moi sans restriction, je trouve que partout nous aurions été une fort bonne compagnie ; mais la prudence l’a retenue. Je vois bien qu’elle me croit fort engagée dans la secte de M. Descartes, à qui vous donnez l’honneur de ma perte. Je ne veux pourtant pas encore l’abjurer : il arrive des révolutions dans toutes les opinions, comme dans les modes, et j’espère que les siennes triompheront un jour, et couronneront ma persévérance. Vous faites fort mal, Monsieur, de passer vos hivers en Bourgogne, quand je passe les miens ici ; il faudroit se mieux entendre ; ce ne seroit pas un plaisir à négliger ; je parle

  1. 6. Telle est la leçon des deux copies autographes de Bussy, et de l’édition de 1697. Au sujet de cet emploi du masculin, voyez l’édition de Corneille de M. Marty-Laveaux, tome I, p. 228, note 3 (a).
  2. 7. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale « avec les gens ; » sept lignes plus loin : « dans toutes les opinions, et j’espère, etc ; » quatre lignes après : « à négliger pour ce monde-ci ; » à l’avant-dernière ligne du paragraphe, davantage manque dans ce manuscrit.