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1678 d’autre la réponse que vous avez faite est fort jolie ; je parierois pour elle contre la lettre de la princesse. Je crois qu’effectivement elle est chargée de quelque commission en Allemagne de la part du Roi.

Je n’avois pas su qu’on eût appelé Versailles un favori sans mérite : il n’y a rien de plus juste ni de mieux dit. Les rois peuvent à force d’argent donner à la terre une autre forme que celle qu’elle avoit de la nature ; mais la qualité de l’eau et celle de l’air ne sont pas en leur pouvoir. Ce seroit un étrange malheur, si après la dépense de cent millions à Versailles[1] il devenoit inhabitable.

    faudroit que j’eusse perdu l’esprit pour dire autant de sottises qu’en dit l’auteur de la critique. »

    « Et voici ce que je réponds à cet endroit-là :

    « Je suis bien aise que mon sentiment sur la Princesse de Clèves vous ait plu. La critique m’a charmé, et je vous avoue que j’y ai trouvé tant de bon sens, tant de justesse, et un si grand air de vous, que je n’ai pas douté que vous ne l’eussiez faite ; car par la hardiesse que vous dites qu’il a {qu’il y a ? ) de critiquer ce qui vient de ce côté-là, en le critiquant à propos vous faites voir que s’il y a de la hardiesse, il n’y a point de témérité, et pour ce qui est de ce que vous appelez sottises, qui sont galanteries à des gens comme nous, vous avez prétendu vous cacher par là. Cependant, mon Révérend Père, je dirai dans le monde, non-seulement que vous désavouez fort cet ouvrage, mais encore que vous m’avez persuadé. »

    « Vous voyez bien, Madame, ce que je lui promets ; ainsi, après avoir montré ceci seulement au bon abbé, à la belle Madelonne et à notre ami Corbinelli, je vous supplie de les prier qu’ils ne me citent point. »

  1. 5. C’est une opinion généralement accréditée, que les dépenses faites par Louis XIV à Versailles se sont élevées à des sommes si énormes, que le Roi en fut lui-même effrayé, et brûla les mémoires des ouvriers. Mirabeau les fait monter à douze cents millions ; un autre écrivain les évalue à plus de quatre milliards. M. Guillaumot, ancien architecte des bâtiments du Roi, a publié un mémoire en 1801 dans lequel il rend compte des recherches auxquelles il s’est livré pour connaître au vrai ce qu’ont coûté les divers bâtiments faits par Louis XIV. Il a compulsé toutes les archives du département des