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1678

706. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le lendemain du jour que j’eus reçu cette lettre, j’y fis cette réponse.
À Chaseu, ce 14e octobre 1678.

Je suis très-aise, Madame, que vous approuviez mon quant à moi sur le sujet de M. de Guitaut, et en effet, quand avec le cordon bleu il auroit encore l’ordre de la Toison et celui de la Jarretière, il n’y auroit pas de comparaison de lui à moi. Ce n’est pas qu’il n’ait du mérite, je le connois, mais je n’en suis pas aveuglé comme lui.

Vous avez fait un grand plaisir à Mme de Coligny et à moi de la louer sur celui qu’elle trouve à me tenir compagnie dans mon exil ; car encore que, sans vanité, je sois assez divertissant, il est fort extraordinaire qu’une jeune veuve qui ne manque ni d’agréments, ni de bien, ni d’esprit, s’exile d’elle-même de Paris et de la cour, où elle auroit des plaisirs et des applaudissements, pour ne pas quitter son père exilé[1]. Je dis comme Mlle de Scudéry, Madame, cela vient d’un fonds héroïque.

Les Suédois ne sont pas au point où vous les pensez, et leurs ennemis ne sont point en état de venir joindre l’armée de l’Empereur : j’en ai de bonnes nouvelles, Madame ; ainsi cela n’empêchera pas la paix des Allemands, et je la tiens faite cet hiver après la trêve que nous allons avoir avec eux ; mais quand nous n’aurons pas, vous et moi, la dépense de la guerre sur les bras pour nos enfants, nous aurons d’autres peines pendant

  1. Lettre 706. — 1. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale, à la place de ces sept derniers mots, Bussy avait d’abord écrit ceux-ci, qu’il a ensuite biffés : « et par le plus beau de son âge demeure en province. » Ce manuscrit porte, à la même ligne : « Je dis comme vous, Madame. »