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1678 que la vertu. Depuis qu’à la cour, en quinze jours, trois semaines ou un mois, une femme attaquée n’a pas pris le parti de la rigueur, elle ne songe plus qu’à disputer le terrain pour se faire valoir. Et si, contre toute apparence et contre l’usage, ce combat de l’amour et de la vertu duroit dans son cœur jusqu’à la mort de son mari, alors elle seroit ravie de les pouvoir accorder ensemble, en épousant un homme de sa qualité, le mieux fait, et le plus joli cavalier de son temps. La première aventure des jardins de Coulommiers n’est pas vraisemblable, et sent le roman. C’est une grande justesse, que la première fois que la princesse fait à son mari l’aveu de sa passion pour un autre, M. de Nemours soit, à point nommé, derrière une palissade, d’où il l’entend[1] : je ne vois pas même de nécessité qu’il sût cela, et en tout cas il falloit le lui faire savoir par d’autres voies.

Cela sent encore bien le roman, de faire parler les gens tout seuls[2] ; car outre que ce n’est pas l’usage de se parler à soi-même, c’est qu’on ne pourroit savoir ce qu’une personne se seroit dit, à moins qu’elle n’eût écrit son histoire ; encore diroit-elle seulement ce qu’elle auroit pensé. La lettre écrite au vidame[3] de Chartres est encore du style des lettres de roman, obscure, trop longue, et point du tout naturelle. Cependant, dans ce second tome[4], tout y est aussi bien conté, et les expressions en sont aussi belles que dans le premier.

  1. 9. « Derrière une palissade, à les entendre. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.) Ce manuscrit commence ainsi l’alinéa suivant : « Cela est encore bien de roman. »
  2. 10. Nos deux manuscrits écrivent : « tous seuls. »
  3. 11. Le manuscrit que nous suivons d’ordinaire donne, par erreur, à Madame, au lieu de au vidame.
  4. 12. « Dans ce second volume. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)