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1678 ques mots trop souvent répétés, qui sont pourtant en petit nombre, tout est agréable, tout est naturel. Dans le second, l’aveu de Mme de Clèves à son mari est extravagant, et ne se peut dire que dans une histoire véritable ; mais quand on en fait une à plaisir, il est ridicule de donner à son héroïne un sentiment si extraordinaire[1]. L’auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler aux autres romans qu’à suivre le bon sens. Une femme dit rarement à son mari qu’on est amoureux d’elle, mais jamais qu’elle ait de l’amour pour un autre que pour lui ; et d’autant moins qu’en se jetant à ses genoux, comme fait la princesse, elle peut faire croire à son mari qu’elle n’a gardé aucunes bornes dans l’outrage qu’elle lui a fait[2]. D’ailleurs il n’est pas vraisemblable qu’une passion d’amour soit longtemps, dans un cœur, de même force

    chaque partie forme un tome. — L’aventure des jardins de Coulommiers, dont il va être question (l’aveu fait par Mme de Clèves à son mari et entendu par M. de Nemours), se trouve vers le milieu de la IIIe partie, tome II des Œuvres de Mme de la Fayette (1804), p. 156 et suivantes ; et la lettre au vidame de Chartres, dont il est fait mention dans l’alinéa suivant, se lit vers la fin de la IIe partie, p. 116 et suivantes du tome II de la même édition.

  1. 7. Segrais contredit ce jugement de Bussy. Voici ce qu’on lit dans le Segraisiana (p. 94 et 95) : « M. de Bussy trouve mauvais, dans ses lettres, que la princesse de Clèves déclare à son mari le penchant qu’elle avoit pour M. de Nemours, prétendant que cela n’est pas possible ; mais ce qu’il en dit ne mérite pas de réponse, parce qu’il n’entendoit pas la beauté de ces sortes d’ouvrages. Mme de Sévigny, qui lui envoya cet ouvrage, en étoit charmée. Le P. Bouhours, qui a écrit contre la Princesse de Clèves, pourroit bien avoir part à cette lettre, afin d’appuyer son sentiment de celui de M. de Bussy. » Segrais savait que le P. Bouhours s’était occupé de l’édition des Lettres de Bussy, mais il a tort de soupçonner ce jésuite d’avoir altéré le texte de ce passage, et même de l’avoir supposé. Cette lettre se lit, comme toutes les autres, au manuscrit de Bussy, et elle y est écrite entièrement de sa main. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 8. « Qu’elle l’a offensé jusques au bout. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.).