Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1678


Sa belle-sœur Foucquet d’Aumont[1] étoit avec elle, plus folle et plus impertinente que jamais. Quand nous fûmes arrivés à l’évêché, elle se mit en plein cercle à me louer sur mon bel esprit ; cela dura jusqu’à ce qu’on se mît à table, qu’elle recommença de plus belle, quoique chacun, embarrassé pour elle et pour moi, voulût changer de discours ; elle n’en voulut rien faire, et de la même force dit que je parlois comme un livre, et que j’écrivois comme un ange. Je voulus, pour faire diversion, dire que la soupe étoit admirable : ce fut le quoi qu’on die de Trissotin[2]. « Ah, ma cousine ! dit-elle à Mme de la Boulaye[3], écoutez comme il dit cela. » Véritablement l’éclat de rire prit si fort à la compagnie, que cette folle n’osa plus parler. Ne croyez-vous pas, Madame, qu’un siècle de disgrâces ne raccommoderoit pas une tête comme celle-là ?

Mais je vous supplie de me mander ce que c’est que le retour du cardinal de Retz dans le monde ; cet homme, que nous croyions ne revoir qu’au jour du jugement, est dans l’hôtel de Lesdiguières avec tout ce qu’il y a d’honnêtes gens en France. Expliquez-moi cela, Madame, car il me semble que ce retour n’est autre chose que ce que disoient ceux qui se moquoient de sa retraite. Je ne saurois vous dire combien la vedova felice[4] et moi nous vous aimons cela passe, non pas l’imagination, mais l’expression.

  1. 10. Anne d’Aumont, fille du marquis d’Aumont, gouverneur de Touraine ; elle avait épousé Gilles Foucquet, premier écuyer de la grande écurie du Roi, frère du surintendant. Elle était cousine germaine du duc d’Aumont.
  2. 11. Voyez les Femmes savantes de Molière, acte III, scène ii.
  3. 13. C’était une Foucquet. Voyez la note 8 de la lettre du 15 septembre 1677, p. 320.
  4. 13. L’heureuse veuve : Mme de Coligny.