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1678 chose en cette affaire que l’avantage que j’eus sur celui contre qui je me battis, j’en aurois fort raccourci la narration ; mais ce combat en ayant attiré un autre, qui fut considérable par la mort d’un homme de qualité[1], il m’a paru nécessaire d’entrer dans un détail qui fait d’ordinaire plaisir au lecteur. Je sais bien que tout récit de soi-même est ennuyeux ; cependant des mémoires doivent être plus étendus qu’une gazette ; tout ce qu’il faut faire aux occasions où il est nécessaire de conter, c’est de conter en peu de mots ; car cela instruit sans fatiguer. Ma lettre à Lenet est bonne pour mon ami, que j’éclaircirai davantage quand je le reverrai, s’il le souhaite ; mais elle n’instruirait pas assez le public, qui aime les détails aussi curieux que celui de la cause d’un combat aussi tragique que fut celui-là, pourvu qu’on ne s’amuse pas à des descriptions inutiles, et que le récit soit court et net. Comme mes mémoires ne sont faits que pour apprendre mes guerres, ma cour, ma disgrâce, enfin ma vie, je n’ai parlé qu’en passant des affaires générales, de sorte que je ne saurois vous envoyer que de petits fragments de ces choses-là. Il est vrai qu’il me souvient d’avoir écrit un commencement de l’histoire du Roi pendant que j’étois à la Bastille[2] : ce sont les neuf années de la régence et les neuf autres années de la majorité, pendant lesquelles le cardinal Mazarin continuoit de gouverner[3] ; et comme

  1. 5. Le chevalier d’Isigny. Voyez les Mémoires de Bussy, à l’endroit où nous avons déjà renvoyé plus haut (tome I, p. 121-124).
  2. 6. Bussy dit au tome II de ses Mémoires, p. 257, qu’il avait fait remettre ce morceau d’histoire au Roi par sa femme. Il a été publié en 1699 et 1700, sous le titre d’Histoire en abrégé de Louis le Grand, quatorzième de France, avec une suite qui pourrait bien n’être pas tout entière de Bussy. L’ouvrage entier va de 1643 à 1699.
  3. 7. Au lieu de « continuoit de gouverner », le manuscrit de la Bibliothèque impériale porte : « faisoit tout. »