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1678 lui-même ne sait pas précisément ce qui en arrivera ? J’approuve assez que l’on veuille juger des événements, car cela sert à la conversation et forme l’esprit ; mais je ne comprends pas que l’on s’en fasse une affaire, et que l’on croie qu’il y a bien de l’honneur d’avoir deviné ce qui devoit arriver, puisque le hasard peut souvent faire réussir en ces matières. Pour moi, je dis mon sentiment des affaires à venir ; mais je ne m’en hausse ni ne m’en baisse quand j’ai bien ou mal jugé.

Le Roi a raison d’envoyer dans ses places et dans ses provinces ceux qui y doivent commander de sa part : ils sont payés pour y être. Je prévois que la belle Provençale [1] ne sera pas encore longtemps sans rétablir sa santé ; l’absence de son cher époux lui donnera plus de repos d’un côté qu’elle ne le troublera de l’autre ; je ne sais si je me fais bien entendre. Je suis, ma foi, son serviteur, de l’oncle, du frère, enfin de tutti quanti.

Artêmise[2] vous aime et vous admire, et moi je vais encore plus loin, si cela se peut.

Mais j’oubliois de vous mander une petite affaire qui s’est passée en ce pays-ci depuis quinze jours, et pour laquelle j’aurois un peu sujet de me plaindre de vous, si je pouvois jamais m’en plaindre[3].

Un homme de qualité de votre connoissance, ami de Guitaut et le mien, s’étant mis dans la tête de nous faire voir et de nous mettre en commerce, lui en parla il y a

  1. 6. « Que la belle Madelonne. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 7. Mme de Coligny.
  3. 8. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « et pour laquelle j’ai quelque chose sur le cœur contre vous ; » à la ligne suivante : « Un homme de votre connoissance ; » trois lignes après : « et comme le Gascon en faisoit difficulté sur le pied du gasconisme, l’ami commun, etc. »