Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1676 que j’ai trouvée dans Paris, dont j’ai rapporté ici le plus que j’ai pu, afin de me disposer avec quelque tranquillité à prendre de la poudre de M. de l’Orme, à cette heure que nous sommes hors de la canicule, qui n’a point fait demander comme autrefois : « Est-ce la canicule ? » Ces maraudailles[1] de Paris disent que Marfore[2] demande à Pasquin pourquoi on prend en une même année Philisbourg et Maestricht, et que Pasquin répond que c’est parce que M. de Turenne est à Saint-Denis et Monsieur le Prince à Chantilly. Cela est assez fat[3].

Corbinelli vous répondra sur la grandeur de la lune, et sur le goût amer ou doux. Il m’a contentée sur la lune ; mais je n’entends pas bien le goût. Il dit que ce qui ne nous paroît pas doux est amer[4] je sais bien qu’il n’y a ni doux, ni amer ; mais je me sers de ce qu’on nomme abusivement doux et amer pour le faire entendre aux grossiers. Il m’a promis de m’ouvrir l’esprit là-dessus quand il sera ici. Rien n’est plus plaisant que ce que vous lui dites pour m’empêcher d’aller au serein : je vous assure, ma fille que je n’y vais point ; la seule pensée de vous plaire feroit ce miracle, et j’ai de plus une véritable crainte de retomber dans mon rhumatisme. Je résiste à la beauté de cette lune avec un courage digne de louanges ;

  1. 18. « Maraudaille, nom collectif qui se dit de la canaille, des gueux, des lâches, des gens sans honneur. » (Dictionnaire universel de Furetière.)
  2. 19. Dans sa seconde édition (1754) Perrin a substitué à la forme française Marfore l’italien Marphorio. « Marfore est une statue fameuse qui est à Rome, dans la muraille opposite à celle de Pasquin. C’est à cette figure qu’on attache les satires que l’on fait à Rome, aussi bien qu’à celle de Pasquin. » (Dictionnaire universel de Furetière.)
  3. 20. Cette petite phrase a été supprimée par Perrin dans sa seconde édition (1754).
  4. 21. Sur le doux et l’amer, voyez le petit traité des Saveurs de Descartes, dans l’édition de M. Cousin, tome XI, p. 424 et 425.