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1677 mon carrosse. Je suis dans le chaos : vous trouverez le démêlement du monde et des éléments. Vous recevrez ma lettre d’Autry[1] ; je serois plus fâchée que vous, si je passois un ordinaire sans vous entretenir. J’admire comme je vous écris avec vivacité, et comme je hais d’écrire à tout le reste du monde. Je trouve, en écrivant ceci, que rien n’est moins tendre que ce que je dis : comment ? j’aime à vous écrire ! c’est donc signe que j’aime votre absence, ma fille : voilà qui est épouvantable. Ajustez tout cela, et faites si bien que vous soyez persuadée que je vous aime de tout mon cœur. Vous avez donc pensé à moi avec Vardes ; je vous en remercie : j’espère comme lui que nous nous retrouverons encore à Grignan. Si j’étois le maître du logis, je vous gronderois fort d’avoir parlé avec mépris de ma musique ; je suis assurée qu’elle est fort bonne, puisqu’elle vous amuse si longtemps. Arnoux vient souvent ici ; il est captivé par sa parole ; mais il est tellement à la mode ici, et si près d’entrer dans la musique du Roi, que ce seroit une charité de lui rendre la liberté. Quel plaisir aura M. de Grignan, de voir un homme qui mourra d’ennui, et qui croira qu’on lui fait perdre sa fortune ? Si M. de Grignan veut l’en consoler, il n’en sera pas quitte pour peu.

On dit[2] que M. du Maine se porte mieux qu’on ne pensoit ; il n’y a plus de chagrin présentement, mais tout est si peu stable, qu’avant que vous ayez cette lettre, il y aura eu et des nuages et des rayons de soleil. Mme de Coulanges est à Versailles ; à son retour, je lui donnerai votre lettre, et vous manderai ce qu’elle m’aura dit. J’embrasse tous vos chers Grignans ; j’ai grondé le chevalier ; il faut, pour nous raccommoder, que je l’embrasse

  1. 5. C’est la lettre du 4 octobre précédent. Voyez ci-dessus, p. 342.
  2. 6. Cette phrase n’est pas dans l’édition de 1734.