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665. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 20e octobre.

Le chevalier radote et ne sait ce qu’il veut dire. Je n’ai point mangé de fruits à Vichy, parce qu’il n’y en avoit point ; j’ai dîné sainement ; et pour souper, quand les sottes gens veulent qu’on soupe à six heures, sur son dîner, je me moque d’eux, je soupe à huit ; mais quoi ? une caille, ou une aile de perdrix uniquement. Je me promène, il est vrai ; mais il faut qu’on défende le beau temps, si l’on veut que je ne prenne pas l’air. Je n’ai point pris le serein : ce sont des médisances ; et enfin M. Ferrand étoit dans tous mes sentiments, souvent à mes promenades, et ne m’a jamais dédite de rien. Que voulez-vous donc conter, Monsieur le chevalier ? Mais vous, avec votre sagesse, votre bras vous fait-il toujours boiter ? Ce seroit une chose fâcheuse d’être obligé tout l’hiver à porter un bâton[1]. Mais vous, Madame la Comtesse, pensez-vous que je n’aie point à vous gronder ? Vardes me mande que vous ne vous nourrissez pas assez, et que vous mangez en récompense les plus mauvaises choses du monde, et qu’avec cette conduite il ne faut pas que vous pensiez à retrouver votre santé : voilà ses propres mots ; que[2] M. de la Garde s’en tourmente assez, mais que tout le reste n’ose vous contredire. Belle Rochebonne, grondez-la pour moi : j’aimerois mieux qu’elle coquetât avec M. de Vardes, comme vous me le mandez, que de profaner une santé qui fait notre vie à tous ; car vous voulez bien, Madame, que je parle en commun sur ce

  1. Lettre 665. — 1. « Ce seroit une chose cruelle d’être obligé de porter un bâton tout l’hiver. » (Édition de 1754.)
  2. 2. « Il ajoute que, etc. » (Ibidem.)