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1677 vôtres, ma fille, pour me faire recevoir votre lettre en sortant du carrosse[1]. La voilà ; je l’ai lue préférablement à[2] toutes les embrassades de l’arrivée. Monsieur le Coadjuteur, M. d’Hacqueville, le gros abbé, M. de Coulanges, Mme de la Troche, ont très-bien fait leur devoir d’amis.

Le Coadjuteur[3] et le d’Hacqueville m’ont déjà fait entendre l’aigreur de Sa Majesté sur ce pauvre curé[4], et que le Roi avoit dit à Monsieur de Paris : « C’est un homme très-dangereux, qui enseignoit une doctrine pernicieuse : on m’a déjà parlé pour lui ; mais plus il a d’amis, plus je serai ferme à ne le point rétablir. » Voilà ce qu’ils m’ont dit d’abord, qui fait toujours voir une aversion horrible contre nos pauvres frères.

Vous m’attendrissez pour la petite ; je la crois jolie comme un ange ; j’en serois folle. Je crains, comme vous dites, qu’elle ne perde tous ses bons airs et tous ses bons tons avant que je la voie : ce sera dommage ; vos filles d’Aix[5] vous la gâteront entièrement ; du jour qu’elle y sera, il faut dire adieu à tous ses charmes. Ne pourriez-vous point l’amener ? Hélas ! on n’a que sa pauvre vie en ce monde : pourquoi s’ôter ces petits plaisirs-là ? Je sais bien tout ce qu’il y a à répondre là-dessus ; mais je ne veux pas en remplir ma lettre. Vous auriez de quoi la loger au moins[6] ; car, Dieu merci, nous avons l’hôtel de Carnavalet. C’est une affaire admirable : nous y tiendrons tous, et nous aurons le bel air ; comme on ne peut

  1. Lettre 660. — 1. « En sortant de carrosse. » (Édition de 1764.)
  2. 2. « Je l’ai lue, et l’ai préférée à… » (Ibidem.)
  3. 3. L’édition de 1734 ne donne pas cet alinéa.
  4. 4. Voyez la lettre du 24 septembre, p. 332 et 333.
  5. 5. Les filles de Sainte-Marie d’Aix.
  6. 6. « Vous auriez du moins de quoi loger cette jolie enfant. » (Édition de 1754.)