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Je veux vous dire un mot de ma santé : elle est parfaite ; les eaux m’ont fait des merveilles, et je trouve que vous vous êtes fait un dragon de cette douche : si j’avois pu le prévoir, je me serois bien gardée de vous en parler ; je n’eus aucun mal de tête ; je me trouvai un peu de chaleur à la gorge ; et comme je ne suai pas beaucoup la première fois, je me tins pour dit que je n’avois pas besoin de transpirer comme l’année passée : ainsi je me suis contentée de boire à longs traits, dont je me porte à merveilles : il n’y a rien de si bon que ces eaux.


659. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Autry, lundi 4e octobre.

Je vous écrivis de Gien, ma fille, et je vous mandai toutes les folies du monde. La nuit nous donna le conseil que j’avois prévu, qui fut de nous séparer avec peine ; car la bonne compagnie est de fort bonne compagnie. Nous arrivâmes ici par un grand chemin tout naturel, et ravis d’avoir évité celui de traverse, qui ne vaut rien, sans qu’il nous en eût coûté autre chose que la folie de passer et de repasser la rivière. Nous avons trouvé cette petite comtesse de Sanzei avec son joli visage, mais une tristesse mortelle d’être devenue sourde au point qu’elle l’est : elle a toujours les larmes aux yeux ; elle est pis que Mme de Rochebonne[1] : cette incommodité n’est pas médiocre dans un âge où l’on aime fort à être de tout.

J’admire, ma chère enfant, que j’aie pu vous écrire tout ceci, ayant sur le cœur la tristesse et la surprise de

  1. Lettre 659 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — 1. Ce membre de phrase n’est pas dans l’édition de 1754.