1677
657. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
La poste va partir, ma très-chère ; c’est pourquoi je ne vous dirai qu’un mot. Je vous écrivis de Langlar dans la lettre du chevalier : j’avois reçu la vôtre de la Garde. Je laissai le chevalier entre les mains de mon médecin ; il s’en va prendre la douche, et puis il vous va voir. Nous partîmes lundi ; j’allai coucher chez M. et Mme d’Albon[2] ; le mardi j’allai à Moulins, où je retrouvai mes commensaux avec Vardes, qui venoit de Bourbon pour me dire encore adieu. Il a repris le chemin de Grignan et de Languedoc. Je leur fis voir à tous les petites de Valançay[3], qui sont fort éveillées ; de là nous allâmes chez Mme Foucquet, qui ne l’est point du tout, mais dont la vertu et le malheur sont respectables : j’y ai soupé et couché. Ces messieurs s’amusèrent hier à troquer leurs attelages tout entiers, de sorte que Vardes mène à Grignan les chevaux gris de Termes, et Termes mène à Fontainebleau les chevaux noirs de Vardes. Je ne sais si M. de Champlâtreux ne trouverait point que des chevaux exilés devroient avoir au moins quelque permission : quoi qu’il en soit, ces pauvres chevaux ont pris des routes différentes, qu’ils n’auroient pas osé prendre[4] s’ils n’avoient changé de maîtres : ainsi va le monde[5]. Nous revoilà avec nos
- ↑ Lettre 657. — 1.Chef-Iieu de canton de l’arrondissement de Nevers, à mi-chemin entre Nevers et Moulins.
- ↑ 2. Voyez tome III, p. 351, note 29.
- ↑ 3. Elles étoient aux filles de Sainte-Marie de Moulins. (Note de Perrin.) — Voyez la lettre du 17 mai 1676, tome IV, p. 449 et 450.
- ↑ 4. « Ont pris des routes opposées, ce qu’ils n’auroient point osé faire. » (Édition de 1754.)
- ↑ 5. Ce membre de phrase n’est pas dans l’édition de 1734.