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1677 roit donnée dans un autre temps. Cette gorge enflammée fait grand’peur, et la fièvre ; hélas ! ma très-aimable, quand on a le sang de cette furie, c’est bientôt fait. Vous eûtes la fièvre : vous fûtes saignée deux fois en un jour ; et puis une cuisse et les jambes enflées : quelle malignité d’humeurs ! et sans le bonheur qui la détourna de dessus votre poitrine, où en étions-nous[1] ? Dieu merci, vous êtes guérie de ce mal ; voilà qui est fait, je n’en ai nulle inquiétude, et je l’ai passé bien gaillardement[2]. J’admire que, pour me tromper, vous ayez toujours pu m’écrire de si grandes lettres ; mais personne n’aura-t-il le pouvoir d’obtenir de vous quelque espèce de soin et de régime pour tempérer[3]un peu ce sang si enragé ? Je ne vois personne qui ne songe à sa vie et à sa santé : tout ce qu’on voit ici[4] le marque assez. Il n’y a que vous qui sembliez avoir envie d’expédier promptement votre rôle. Si vous m’aimiez, vous auriez un peu plus de pitié de moi. Quand je songe à tout ce que je fais pour vous plaire uniquement, et comme je m’en vais attaquer courageusement et de bon cœur une santé parfaite, par la seule envie de mettre votre esprit en repos, et que je ne puis pas obtenir de vous de suivre les avis de votre médecin[5], je me perds dans cette pensée. Je n’ai jamais vu de belle ni de jolie femme prendre plaisir à se détruire. Tout le monde

  1. 2. « Et où en étions-nous, si cette humeur s’étoit jetée sur votre poitrine ? (Édition de 1754.)
  2. 3. Ces derniers mots : « et je l’ai, etc., » manquent dans le texte de 1754, qui continue ainsi : « je n’en ai nulle inquiétude, mais j’admire… »
  3. 4. « N’y aura-t-il donc personne qui ait le pouvoir d’obtenir de vous quelque espèce de soin et de régime pour votre santé ? Ne voulez-vous point tempérer, etc. » (Édition de 1754.)
  4. 5. « Tout ce qui se passe ici. » (Ibidem.)
  5. 6. « Sans que je puisse obtenir de vous de suivre les avis de Guisonni. » (Ibidem.)