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Elle nous fit mettre dans son carrosse, ne voulant fier sa conduite qu’à un cocher célèbre qu’elle a depuis peu. À la vérité, à un quart de lieue de la dînée, il nous versa dans le plus beau chemin du monde. Le bon abbé de Coulanges étant tombé sur sa nièce, et Toulongeon sur la sienne[1], cela me donna un peu de relâche. Mais admirez la fermeté de notre amie, et son bon naturel. Dans le moment que nous versâmes, elle parloit de l’histoire de don Quichotte. Sa chute ne l’étourdit point, et pour nous montrer qu’elle n’avoit pas la tête cassée, elle dit qu’il falloit remettre le chapitre de don Quichotte à une autre fois, et demanda comment se portoit l’abbé. Il n’eut non plus de mal que les autres. On nous releva, et la marquise fut trop heureuse de se remettre à la conduite du cocher de ma fille, qu’elle avoit tant méprisé. Vous croyez bien que notre aventure[2] ne tomba pas à terre, comme nous avions fait. Nous badinâmes quelque temps sur ce chapitre ; et ce fut là où nous commençâmes à vous trouver à redire.


646. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À la Palisse[3], vendredi au soir 3e septembre.

Vous voyez bien, ma très-chère, que me voilà à Vichy,

  1. 4. Mme de Coligny. Elle était fille de Gabrielle de Toulongeon, première femme de Bussy Rabutin.
  2. 5. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale, « notre aventure » est remplacé par le pronom « cela ; » et deux lignes plus bas, « ce chapitre » par « notre aventure. »
  3. Lettre 646. — 1. La terre de la Palisse était entrée dans la maison de la Guiche par Éléonore de Chabannes de la Palisse, femme de Just de Tournon, bisaïeule du comte de Saint-Géran à qui elle appartenait alors. (Note de l’édition de 1818.)