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1677 que je sois ici[1]. Tous nos gens sont à Bourbilly. Le fermier nous y donna hier à tous un fort grand dîner : M. de Guitaut, M. de Trichateau[2], cela paroissoit beaucoup dans cette horrible maison[3]. J’avois à y gronder, et je les quittais de temps en temps pour m’aller acquitter de ce devoir. J’avois commencé dès le matin à Époisse sur un pauvre paysan que je croyois être de Bourbilly. Il me sembloit que je l’avois vu avec ceux qui m’étoient venus voir. « Mais d’où vient que vous êtes si révolté contre moi, lui dis-je, et que vous ne voulez pas payer le droit d’indire[4]. ? — Hélas ! Madame, je suis d’Époisse ; je n’ai point entendu parler de cela. » Voilà le tailleur de la Merci[5], et quand cela est naturel, il est impossible de n’en pas rire.

Je serai encore ici jusqu’à dimanche, et vous écrirai

  1. 4. Dans les deux éditions de Perrin : « me persuade fort qu’il est aise que je sois ici. »
  2. 5. Êrard du Châtelet, septième du nom, marquis de Trichateau, baron du Châtelet et de Thons, fils aîné d’Antoine du Châtelet, marquis de Trichateau, et d’Élisabeth-Louise d’Haraucourt. Il fit ses premières armes en Italie comme cornette dans le régiment d’Épernon, puis s’attacha au duc de Lorraine, qui le fit maréchal de Lorraine et de Barrois. À la mort de ce prince, il se retira en France, où le Roi le créa successivement capitaine et gouverneur de Semur (1676) et grand bailli d’Auxois (1680). Il fut ensuite, avec l’agrément de Louis XIV, major général des troupes de l’électeur de Cologne, et mourut au camp de Lons, en 1684. Il avait épousé en 1670 Élisabeth le Charon, veuve de Guillaume Bourgeois, comte d’Origny, gentilhomme du Roi et gouverneur de Semur.
  3. 6. Tout ce qui suit, jusqu’à la fin du paragraphe, ne se trouve que dans notre manuscrit.
  4. 7. On appelait droit d’indire aux quatre cas, ou simplement droit d’indire, le privilége que certains seigneurs avaient de doubler les rentes que leurs vassaux leur devaient, dans quatre cas, qui étaient, selon la coutume de Bourgogne : « le voyage d’outre-mer, nouvelle chevalerie, le seigneur prisonnier de guerre, le mariage d’une fille. » Voyez le Dictionnaire de Trévoux.
  5. 8. Voyez tome II, p. 379.