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1677

640. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Époisse, samedi 21e août.

Nous arrivâmes ici hier au soir à deux heures de nuit. Nous pensâmes verser mille fois dans des ravines, que nous eussions fort aisément évitées, si nous eussions eu seulement une petite bougie dans un petit bougeoir[1] ; mais c’est une belle chose que de ne voir ni ciel ni terre. Enfin nous envoyâmes ici au secours, ici où nous arrivâmes comme le maître du logis[2]allait se mettre au lit. Vous savez qu’on ne demeure jamais[3] et ce qui vous surprendra, c’est que je n’avois point de peur ; ce fut la bonne tête de l’abbé qui voulut faire ces quatorze lieues d’Auxerre ici, qui ne se font pas ordinairement en un jour[4]. J’étois levée à trois heures, de sorte que je me suis reposée avec un grand plaisir dans cette belle maison, où nous regrettons de n’avoir point trouvé la maîtresse du logis[5]. Vous connoissez le maître, et le bon air et le bon esprit qu’il a pour ceux qu’il aime un peu ; il m’assure que je suis de ce nombre, et je le crois par l’amitié qu’il a pour vous ; il me sait si bon gré de vous avoir mise au monde, qu’il ne sait quelle chère me faire. Nos conversations sont infinies : il aime à causer, et quand

  1. Lettre 640 (revue sur une ancienne copie). — 1. Dans les deux éditions de Perrin : « si nous eussions eu seulement la lumière d’une petite bougie. »
  2. 2. Le comte de Guitaut. — Dans l’édition de Perrin de 1734 : « Enfin nous envoyâmes au secours ici, où nous arrivâmes, etc. » Dans celle de 1754 : « Enfin nous envoyâmes ici au secours ; nous y arrivâmes comme le maître du château, etc. »
  3. 3. Ce membre de phrase ne se trouve pas dans le manuscrit
  4. 4. Les mots en un jour manquent dans les deux éditions de Perrin.
  5. 5. « De n’avoir point la maîtresse du logis. » (Éditions de 1734 et de 1754.)