1677 Je reviens à vous, ma fille : je m’ennuie de n’avoir point de vos nouvelles ; si je n’en ai point demain à Auxerre, je serai bien fâchée. J’espère que vous me manderez si j’ai bien deviné ce cœur déserteur, que vous ne voulez plus compter sur vos doigts.
Nous voilà arrivés, ma fille, par une assez grande chaleur. Nous avons vu le château de Seignelay [1] en passant ; nous y avons donné notre bénédiction, et nous sommes persuadés qu’il prospérera. Mais nous avons eu le malheur de ne point loger où vous avez logé. Nous sommes mal ; nous avons suivi une vieille routine. J’ai envoyé à la poste pour savoir s’il n’y a point de paquet pour moi : le maître n’y étoit pas ; je l’attends ; la maîtresse a dit qu’elle avoit logé Mme la comtesse de Grignan ; qu’elle étoit un peu maigre quand elle a passé ; qu’il étoit vendredi ; qu’on lui mit le pot-au-feu ; que Monsieur le Comte ne mangea que des fraises : me voilà en même temps au désespoir d’être logée ici, où je trouve tout mal, d’autant plus que nous y passerons le reste du jour pour laisser reposer nos chevaux et demain nous pourrons gagner Époisse, où M. de Guitaut nous attend avec une très-bonne amitié. Je suis fâchée de n’y point trouver sa femme : elle a bien du bon esprit ; elle n’est pas de celles dont on est embarrassé : elle est demeurée pour un procès, et ce procès l’a jetée si avant dans son neuf, qu’elle a fait venir la sage-femme d’ici pour l’ac-
- ↑ 28. Entre Joigny et Auxerre, mais à quelque distance (à l’est) de la route. « Ce bourg possédait jadis un très-ancien château, rebâti vers 1410 par Charles de Savoisy, restauré vers 1670 par… Colbert de Seignelay, et démoli pendant la Révolution. On remarque encore à Seignelay plusieurs constructions qui datent du temps de Colbert. » (M. Joanne, Itinéraire de Paris à Lyon, p. 152.)