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pareil des pauvres mortels ; mais il y a de la glu jusqu’à leurs regards ;

Adieu, belle et charmante ; je ne suis plus si causante qu’à Paris j’en suis fâchée pour vous, ma fille, puisque vous vous divertissez de mes peintures.

569. DE MADAME DE SEVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Livry, mercredi 19e août.

JE vous gronde, ma fille, de vous être baignée dans cette petite rivière, qui n’est point une rivière, et qui prend ce grand nom comme bien des gens prennent le nom des grandes maisons ; mais on ne trompe personne tout le monde se connoît ; et il vient un M. le Laboureur[1], qui découvre son origine, et que son vrai nom, c’est la Fontaine, non pas celle de Vaucluse, d’Aréthuse, ou de Jouvence, mais une petite fontaine sans nom et sans renom ; et voilà où vous vous êtes baignée. Je meurs de peur que vous n’en ayez un rhumatisme ou un gros rhume ; et j’aurai cette crainte jusqu’à ce que je sache comme vous vous portez. Bon Dieu ! si j’en avois fait autant, quelle vie vous me feriez!

Au reste, vous savez déjà comme cette montagne d’Allemagne est accouchée d’une souris sans mal ni douleur. Un de nos amis[2], que vous aimez à proportion des soins qu’il a de moi, me mande qu’il ne sait comment ménager

  1. Lettre 569. 1. C’est-à-dire un habile généalogiste. Le savant historien et explorateur d’archives, Jean le Laboureur, l’un des écrivains qui ont le plus contribué à éclaicir l’histoire de France, était né à Montmorency en 1625 et mort à Paris dans le courant de juin 1675.
  2. 2. Sans doute Charles de Sévigné.