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1677 fait-on en ce monde ce qu’on veut ? Il y a une fatalité, que les sages appellent Providence, qui détourne ou qui renverse les desseins, sans qu’on puisse découvrir ni pourquoi ni comment. Tite Live l’appelle[1] inexsuperabilis vis fati, « la force insurmontable du destin. » Il dit ailleurs[2] : non rupit fati necessitatem humanis consiliis[3], « son habileté ne put jamais surmonter la nécessité du destin. » Et comment ferois-je, moi, pour en venir à bout ?

Vous mande-t-on bien des nouvelles de la cour et de l’armée[4] ? C’est toujours des victoires, et toujours de la fidélité. Le prince d’Orange ne vise plus qu’à la gloire de n’être point battu ; et pour cet effet il ramasse de grosses armées, pour dire comme Hannibal dans Horace, parlant des armées romaines :

Fallere et effugere estQuos opimus
Fallere et effugere est triumphus[5],

« toute notre gloire sera désormais de nous sauver de leurs mains ou de nous cacher d’eux. » C’est pour Mme de Sévigné que je traduis mon latin[6] : vous le traduirez, mieux que je n’ai fait, à Mme de Coligny. Que ne le lui montrez-vous avec la méthode du Port-Royal ? il n’y en a que pour quinze jours. Voyez Madame de

  1. 8. Livre VIII, chapitre VII. — Nous avons suivi ici le manuscrit de la Bibliothèque impériale, qui donne le vrai texte de Tite Live : inexsuperabilis. Dans notre manuscrit il y a inexplicabilis.
  2. 9. « Il l’appelle ailleurs. » (Manuscrit de la Bibliothèue impériale.)
  3. 10. Livre I, chapitre XLII.
  4. 11 Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale, le mot est au pluriel : « et des armées ; » deux lignes plus loin, le pronom il est omis devant ramasse.
  5. 12. Ode iv du livre IV, vers 51 et 52.
  6. 13. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « que j’explique mon latin ; » à la ligne suivante, les mots « que je n’ai fait, » manquent ; plus loin, on lit : « par la méthode. »