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1677 grande régularité[1] : sans cela, on ne pourroit pas soutenir un commerce de trois fois la semaine. On tire les réponses et les tendresses à force de rêver ; la lettre est figée, comme je disois[2], avant que la feuille qui chante soit pleine ; la source est entièrement sèche. On pâme de rire avec moi du style, de l’orthographe : voici quelques traits que vous reconnoïtrez.

Je pars enfin ; quel voyage ! pour qui suis-je dans un état si violent ? Je lui répondrois bien, pour un ingrat. J’ai reçu un billet de ma sœur aussi tendre que vous m’en devriez écrire ; elle a l’esprit adouci par mon départ. J’ai été tout le jour triste, rêveuse, le cœur pressé, des soupirs, une langueur, une tristesse[3] dont je ne suis point la maîtresse.

Il me semble que c’est une chose toute désassortie que de porter[4]dans cette diligence, que tous les diables emportent, une langueur amoureuse, une amour languissante[5]. Le moyen d’imaginer qu’un état si propre à passer le jour dans un bois sombre, assise au bord d’une fontaine, ou bien au pied d’un hêtre, puisse s’accommoder du mouvement immodéré de cette voiture ? Il me paroît que la colère, la furie, la jalousie, la vengeance, seroient bien plus convenables à cette manière d’aller[6]. Mais enfin, dit-on, j’ai la confiance de croire que vous pensez à moi. Hélas ! si vous saviez l’état oh je suis, vous me trouveriez un grand mérite pour vous, et vous me

  1. 3. « Croyant que cette grande régularité en sera interrompue. » (Édition de 1754.)
  2. 4. Voyez tome II, p. 489, le commencement de la lettre du 5 février 1672.
  3. 5. « Une inquiétude, » (Édition de 1754.)
  4. 6. « Que c’est une chose toute désassortie de porter. » (Ibidem.)
  5. 7. « Un amour languissant, » et un peu après : « à faire passer. » (Ibidem.)
  6. 8. Voyez le troisième alinéa de la lettre du 18 août suivant.