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1677 ouvrages les plus parfaits vous paroissent dignes de mépris, les beautés naturelles ne vous touchent point : il vous faut du clinquant, ou des petits corps[1]. Si vous voulez avoir quelque repos avec moi, ne lisez point Virgile : je ne vous pardonnerois jamais les injures que vous lui pourriez dire. Cependant, si vous pouviez vous faire expliquer le sixième livre, et le neuf, où est l’aventure de Nisus et d’Euryalus, et le onze et le douze, je suis sûr que vous y trouveriez du plaisir : Turnus vous paroîtroit digne de votre estime et de votre amitié ; et en un mot, comme je vous connois, je craindrois fort pour M. de Grignan si un pareil personnage venoit[2] aborder en Provence. Pour moi, qui suis bon frère, comme vous savez, je vous souhaiterois du meilleur de mon cœur une telle aventure : puisqu’il est écrit que vous devez avoir la tête tournée, il vaudroit bien mieux que ce fût de cette manière que par l’indéfectibilité de la matière, et par les négations non conversibles[3]. Il est triste de n’être occupée que d’atomes et de raisonnements si subtils que l’on n’y puisse atteindre.

Si vous me parlez de votre retour[4], en cent ans je ne vous dirai que ce que je vous ai déjà dit : examinez bien toutes choses, et surtout que les devoirs de Provence ne l’emportent point sur les devoirs de ce pays-ci, à moins qu’il n’y ait des raisons si essentielles qu’on ne

  1. 17. Les atomes. Voyez le Monde ou Traité de la Lumière de Descartes, et dans la IIe partie de ses Principes de la philosophie, l’article 20 : « Qu’il ne peut y avoir aucuns atomes ou petits corps indivisibles ».
  2. 18. « Qu’un pareil personnage ne vînt. » (Édition de 1754.)
  3. 19. Voyez plus loin, p. 266 et 267, note 25.
  4. 20. Le texte de 1784 ne donne rien de cet alinéa, jusqu’à « Au reste, etc. » Mais il termine le précédent par cette phrase : « Il me semble que vous commencez à en faire sur votre retour. »