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1677 nerons Corbinelli ; mais je quitterai ce joli et paisible désert, et partirai le 16e du mois d’août pour la Bourgogne[1] et pour Vichy. Ne soyez en nulle peine de ma conduite pour les eaux : Dieu ne veut pas que j’y sois avec vous, il ne faut penser qu’à se soumettre à ce qu’il ordonne. Je tâche de me consoler, dans la pensée que vous dormez, que vous mangez, que vous êtes en repos, que vous n’êtes plus dévorée de mille dragons, que votre joli visage reprend son agréable figure, que votre gorge n’est plus comme celle d’une personne étique[2] : c’est dans ces changements que je veux trouver un adoucissement à notre séparation ; quand l’espérance voudra se mêler à ces pensées, elle y sera la très-bien venue, et y tiendra sa place admirablement. Je crois M. de Grignan avec vous ; je lui fais mille compliments sur toutes ses prospérités : je sais comme on le reçoit en Provence, et je ne suis jamais étonnée qu’on l’aime beaucoup. Je lui recommande Pauline, et le prie de la défendre contre votre philosophie. Ne vous ôtez point tous deux ce joli amusement : hélas ! on n’a pas des plaisirs à choisir[3]. Quand il s’en trouve quelqu’un d’innocent et de naturel sous notre main, il me semble qu’il ne faut point se faire la cruauté de s’en priver. Je chante donc encore une fois :

Aimez, aimez Pauline, aimez sa grâce extrême[4].

Nous attendrons[5] jusqu’à la Saint-Remi[6] ce que pourra

  1. 5. Il n’y a point d’article dans l’édition de 1734 : « pour Bourgogne. »
  2. 6. Ce dernier membre de phrase n’est pas dans l’édition de 1734.
  3. 7. « A-t-on si souvent des plaisirs à choisir ? » (Édition de 1754.)
  4. 8. Parodie d’un vers de l’opéra de Thésée acte II, scène 1re :

    Aimez, aimez Thésée, aimez sa gloire extrême.

  5. 9. Le commencement de cet alinéa, jusqu’à : « Je crois que M. de la Garde, » manque dans l’impression de 1734.
  6. 10. Le 1er octobre.