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1677 vous avez oublié cet article, et c’est le plus essentiel. Enfin, ma fille, il ne m’étoit pas permis d’être en peine de votre état ; tous vos amis en étoient inquiétés, et je devois être tranquille ! J’avois tort de craindre que l’air de Provence ne vous fît une maladie considérable : vous ne dormiez ni ne mangiez, et vous voir disparaître devant mes yeux devoit être une bagatelle qui n’attirât pas seulement mon attention ! Ah ! mon enfant, quand je vous ai vue en santé, ai-je pensé à m’inquiéter pour l’avenir ? Étoit-ce là que je portois mes pensées ? Mais je vous voyois, et vous croyois malade d’un mal qui est à redouter pour la jeunesse ; et au lieu d’essayer à me consoler par une conduite qui vous redonne votre santé ordinaire, on ne me parle que d’absence : c’est moi qui vous tue, c’est moi qui suis cause de tous vos maux. Quand je songe à tout ce que je cachois de mes craintes, et que le peu qui m’en écbappoit faisoit de si terribles effets, je conclus qu’il ne m’est pas permis de vous aimer, et je dis qu’on veut de moi des choses si monstrueuses et si opposées, que n’espérant pas d’y pouvoir parvenir, je n’ai que la ressource de votre bonne santé pour me tirer de cet embarras. Mais, Dieu merci, l’air et le repos de Grignan ont fait ce miracle ; j’en ai une joie proportionnée à mon amitié. M. de Grignan a gagné son procès, et doit craindre de me revoir avec vous, autant qu’il aime votre vie : je comprends ses bons tons et vos plaisanteries là-dessus. Il me semble que vous jouez bon jeu bon argent : vous vous portez bien, vous le dites, vous en riez avec votre mari ; comment pourroit-on faire de la fausse monnoie d’un si bon aloi ?

Je ne vous dis rien sur tous vos arrangements pour cet hiver ; je comprends que M. de Grignan doit profiter du peu de temps qui lui reste : M. de Vendôme le ta-