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1677 Mme de Grignan ; et je suis barbare quand je le refuse. Oh bien ! je ne l’ai pas refusé ; mais je suis bien aise de ne jamais rencontrer une telle profanation du visage de ma fille. Ce peintre est un jeune homme de Tournai, à qui M. de la Garde donne trois louis par mois ; son dessein a été d’abord de lui faire peindre des paravents ; et finalement c’est Mignard[1] qu’il s’agit de copier. Il y a un peu du veau de Poissy à la plupart de ces sortes de pensées-là ; mais chut ! car j’aime très-fort celui dont je parle.

Je voudrois, ma fille, que vous eussiez un précepteur pour votre enfant : c’est dommage de laisser son esprit inculto[2]. Je ne sais s’il n’est pas encore trop jeune pour le laisser manger de tout ; il faut examiner si les enfants sont des charretiers, avant que les traiter comme des charretiers : on court risque autrement de leur faire de pernicieux estomacs, et cela tire à conséquence.

Mon fils est demeuré pour des adieux ; il viendra me voir ensuite ; il faut qu’il aille à l’armée, les eaux viendront après. On a cassé encore tout net un M. D** pour des absences : je sais bien la réponse ; mais cela fait voir la sévérité.

Adieu, ma très-chère : consolez-vous du petit ; il n’y a de la faute de personne ; il est mort des dents, et non pas d’une fluxion sur la poitrine : quand les enfants n’ont pas la force de les pousser dans le temps, ils n’ont pas celle de soutenir le mouvement qui les veut faire percer toutes à la fois ; je parle d’or. Vous savez la réponse du lit vert de Sucy[3] à M. de Coulanges : Guilleragues l’a faite ; elle

  1. 7 . Nous avons vu plus haut (tome IV, p. 70 et 115) que Mignard avait fait le portrait de Mme de Grignan.
  2. 8. Inculto et incolto en italien, inculto en espagnol, « inculte. »
  3. 9. Il y a Sully dans l’édition de 1754, notre seule source pour cette lettre ; mais il faut évidemment lire Sucy. Nous avons déjà vu une semblable confusion au tome II, p. 335, note 10.