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1677 plus vite qu’un autre, et qui vous remettroit dans l’état où je vous ai vue. Quelle joie, ma fille, et quelle obligation ne vous aurois-je point ! Quelle sûreté pour ma santé et pour ma vie, si vous vouliez m’ôter[1] les inquiétudes que j’ai là-dessus ! Je ne veux pas vous en dire davantage ; je verrai bien si vous m’aimez. Je suis bien aise que vous soyez contente d’Amonio ; si vous l’aviez eu, sans doute il auroit sauvé votre fils ; il falloit le rafraîchir : l’ignorance me paroît grande de l’avoir échauffé ; mais la difficulté étoit de déranger tout ce qu’avoit réglé la Providence à l’égard de ce pauvre enfant. Cette affliction est du nombre de celles où l’on doit se soumettre[2], sans murmurer, à ce qu’elle ordonne. Il est vrai que je n’avois point du tout compté sur sa vie. Où avez-vous pris qu’un enfant qui n’a point de dents, et qui ne se soutient pas à dix-huit mois, ait échappé tous les périls[3] ? Je ne suis pas si éclairée que Mme du Puy-du-Fou ; mais je ne croyois pas qu’il dût vivre avec de tels accidents. Je comprends la perte de ce troisième garçon, et je la sens comme elle est. Pauline me ravit. J’ai parlé tantôt au bel abbé d’un précepteur que connoît M. de la Mousse : ils le verront, et vous en diront leur avis ; ils trouvent que le marquis est bien jeune ; j’ai dit que son esprit ne l’étoit pas.

Nous avons ri aux larmes, le bel abbé et moi, de l’histoire de la petite Madeleine ; vraiment, c’est bien à vous à dire que vous ne savez point narrer, et que c’est mon affaire : je vous dis que vous conduisez toute la dévotion de la petite Madeleine si plaisamment, que ce

  1. 3. « Quand vous m’aurez ôté. » (Édition de 1754.)
  2. 4. « Qui exigent qu’on se soumette. » (Ibidem.)
  3. 5. La fin de l’alinéa, à partir d’ici, manque dans le texte de 1734, où elle est remplacée par cette phrase : « C’est ce qui m’a ôté toute surprise en apprenant que vous l’aviez perdu. »