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1677 avoir, et sans laquelle il n’est pas possible de vivre en repos. Voilà qui est dit une fois pour toutes : je n’en dirai plus rien ; mais faisons nos réflexions chacune de notre côté, afin que quand il plaira à Dieu que nous nous retrouvions ensemble, nous ne retombions pas dans de pareils inconvénients. C’est une marque du besoin que vous aviez de ne vous plus contraindre, que le soulagement que vous avez trouvé dans les fatigues d’un voyage si long. Il faut des remèdes extraordinaires aux personnes qui le sont ; les médecins n’eussent jamais imaginé celui-là : Dieu veuille qu’il continue d’être bon, et que l’air de Grignan ne vous soit point contraire ! Il falloit que je vous écrivisse tout ceci une seule fois pour soulager mon cœur, et pour vous dire qu’à la première occasion, nous ne nous mettions plus dans le cas qu’on nous vienne faire l’abominable compliment de nous dire, avec toute sorte d’agrément, que pour être fort bien, il faut ne nous revoir jamais. J’admire la patience qui peut souffrir la cruauté de cette pensée.

Vous m’avez fait venir les larmes aux yeux en me parlant de votre petit[1]. Hélas, le pauvre enfant ! le moyen de le regarder en cet état ? Je ne me dédis point de ce que j’en ai toujours pensé ; mais je crois que par tendresse on devroit souhaiter qu’il fût déjà où son bonheur l’appelle. Pauline me paroît digne d’être votre jouet : sa ressemblance même ne vous déplaira point, du moins je l’espère. Ce petit nez carré est une belle pièce à retrouver chez vous[2]. Je trouve plaisant que les nez de Grignan n’aient voulu permettre que celui-là, et n’aient pas voulu

  1. Lettre 620. — 1. Il s’agissoit du petit enfant de huit mois. (Note de Perrin.)
  2. 2. Allusion au nez de Mme de Sévigné, qui étoit un peu carré. (Note du même.)