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1677 et la mère disent que ce fils est leur consolation, que cet éloignement les tue ; eh bien on leur en donnera un plus proche. Pour moi, j’eusse pris pour une vocation ce qui me seroit venu sans le demander ; ils sont bons et sages.

Nous avons dîné chez M. d’Harouys, le cardinal d’Estrées, la case de Brancas[1], Mmes d’Uxelles, de Coulanges et moi. Vous ne fûtes point du tout oubliée : le maître du logis est reconnoissant de votre souvenir. J’ai dit des douceurs à la Gargan. Dites un petit mot à cette bonne d’Escars, qui se met si bien en pièces quand il est question de vous servir : je vous tourmente, mais c’est que je n’aime point qu’on se plaigne de ma fille.

Ne me grondez point, ma très-chère : je n’écris point mes lettres tout d’une haleine[2] ; je les reprends ; et bien loin de me donner de la peine, c’est mon unique plaisir. Voilà où l’absence nous réduit : écrire et recevoir des lettres, voilà ce qui tient la place de la vue et de la société d’une personne que l’on aime plus que soi-même. Vous m’avez écrit de votre bateau et de Thézé[3] ; vous pensez à moi partout : du moins, je ne vous fais pas d’injustice sur la reconnoissance et la sensibilité que j’en dois avoir. J’avois bien pensé que vous seriez incommodée pendant votre voyage : le bateau est venu tout à propos. J’approuve vos résolutions de préférer toujours l’eau à la terre ; mais n’allez pas pour cela vous embarquer au voyage des Sevarambes[4] : je ne vous en trouve pas trop éloignée. Je

  1. 11. L’un des sens de l’italien casa, comme du français maison, est « race, famille. »
  2. 13. « Ne me grondez point sur la longueur de mes lettres : je ne les écris point tout d’une haleine. » (Édition de 1754.)
  3. 13. Château de MM. de Rochebonne (à peu de distance de Lyon). (Note de Perrin.) — Voyez tome IV, p. 219, note 22.
  4. 14. Peuple imaginaire, dont le gouvernement, les mœurs, la religion et le langage sont expliqués et décrits dans un livre sans nom