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1677

617. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 23e juin.
J’ai été cinq jours, ma chère enfant, sans avoir de vos lettres : ce temps m’a semblé rude et ennuyeux. Enfin j’ai reçu votre lettre de Chagny[1]et de Châlon. Mon Dieu ! ma fille, que vous avez eu raison d’être fatiguée de cette montagne de la Rochepot[2]. je la hais comme la mort : que de cahots ! et quelle cruauté, qu’au mois de juin les chemins de Bourgogne soient impraticables ! Vous me dites des merveilles de votre santé ; mais pourquoi M. de Grignan ne m’en dit-il pas un mot ? après de si cruelles journées, il falloit me rassurer. La Saône vous aura été d’un grand secours avec sa tranquillité. Vous souvenez-vous de cet adieu triste et cruel que nous fîmes dans ces champs ? Il est encore bien présent à mon imagination, et je ne puis y tourner ma pensée sans me retrouver quasi au même état[3] : ceux qui demeurent ont leurs maux, et tous les endroits où l’on a vu ce que l’on regrette, sont marqués bien tristement, quoi qu’on se puisse dire pour se consoler. Je prends[4]de l’espérance tout autant que je puis ; votre santé, ma fille, est un des fondements sur lesquels je l’appuie : vous savez les autres. La fatigue et la longueur des voyages me font une peine incroyable. Ne parlons plus de Vichy, à moins que vous
  1. Lettre 617.— Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Châlon.
  2. 2. Entre Cussy-la-Colonne et Chagny. — Dans l’édition de 1754 : « que vous avez raison de vous plaindre de cette montagne de la Rochepot ! que de cahots ! etc. »
  3. 3. Ce dernier membre de phrase n’est pas dans l’édition de 1754.
  4. 4. « …où ils ont vu ce qu’ils regrettent, sont marqués bien tristement. Je prends, etc. » (Édition de 1754.)