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1677 faut-il que vous soyez la dupe de ces vains fantômes ? Vous croyez que je suis malade : je me porte bien ; vous regrettez Vichy : je n’en ai nul besoin, que par une précaution qui peut fort bien se retarder ; ainsi de mille autres choses. Pour moi, je suis un peu moins coupable : je plaçois Vichy au printemps pour être plus longtemps avec vous ; encore est-ce quelque chose : cela n’a pas réussi, la Providence a dérangé tout cela ; eh bien ! ma fille, c’est peut-être parce qu’elle a réglé votre guérison, contre toute apparence, par cette conduite. Je vous tiens à mon avantage quand je vous écris : vous ne me répondez point, et je pousse mes discours tant que je veux. Ce que dit Montgobert de cette aiguillette nouée est une des plaisantes choses du monde ; dénouez-la, ma chère enfant ; ne soyez point si vive sur des riens. Pour moi, j’ai de l’inquiétude de votre santé ; elle n’est que trop bien fondée[1] : ce n’est pas une vision que l’état où je vous ai laissée. M. de Grignan et tous vos amis en ont été effrayés. Je saute aux nues quand on me vient dire : « Vous vous faites mourir toutes deux, il faut vous séparer ; » vraiment voilà un beau remède, et bien propre en effet à finir mes maux ; mais ce n’est pas comme ils l’entendent : ils lisoient dans ma pensée, et trouvoient que j’étois en peine de vous ; et de quoi veulent-ils donc que je sois en peine ? Je n’ai jamais vu tant d’injustices qu’on m’en a fait dans ces derniers temps. Ce n’étoit pas vous ; au contraire, je vous conjure, ma fille, de ne point croire que vous ayez rien à vous reprocher à mon égard : tout cela rouloit sur ce soin de ma santé dont il faut vous corriger ; vous n’avez point caché[2] votre amitié, comme

  1. 5. « Quant à moi, si j’ai de l’inquiétude, elle n’est que trop bien fondée. » (Édition de 1754.)
  2. 6. « Ce n’étoit pas vous ; au contraire, je ne suis que trop contente de votre cœur : vous n’avez point caché, etc. » (Ibidem.)