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1676 séparée de vous ; je vous ai suivie partout, et j’ai trouvé mille fois que je ne valois pas l’extrême peine que vous preniez pour moi, c’est-à-dire par un certain côté ; car celui de la tendresse et de l’amitié relève bien mon mérite à votre égard. Quel voyage, bon Dieu ! et quelle saison ! vous arriverez précisément le plus court jour de l’année, et par conséquent vous nous ramènerez le soleil. J’ai vu une devise qui me conviendroit assez : c’est un arbre sec et comme mort, et autour ces paroles Fin che sol ritorni[1]. Qu’en dites-vous, ma fille ? Je ne vous parlerai donc point de votre voyage : nulle question là-dessus ; nous tirerons le rideau sur vingt jours d’extrêmes fatigues, et nous tâcherons de donner un autre cours aux petits esprits, et d’autres idées à votre imagination. Je n’irai point à Melun : je craindrois de vous donner une mauvaise nuit par une dissipation peu convenable au repos ; mais je vous attendrai à dîner à Villeneuve-Saint-Georges ; vous y trouverez votre potage tout chaud, et sans faire tort à qui que ce puisse être, vous y trouverez la personne du monde qui vous aime le plus parfaitement. L’abbé vous attendra dans votre chambre bien éclairée, avec un bon feu. Ma chère enfant, quelle joie ! puis-je en avoir jamais une plus sensible[2] ?

  1. Lettre 603 — 1. Jusqu’à ce que le soleil revienne.
  2. 2. Ici finissent les lettres de l’année 1676, à cause de l’arrivée de Mme de Grignan à Paris (le 22 décembre) et c’est au 8 juin 1677 qu’elles recommencent, c’est-à-dire immédiatement après son départ pour Grignan. (Note de Perrin, dont les éditions ne contiennent, comme l’on sait, que les lettres à Mme de Grignan.) On lit dans les éditions de 1726 (Rouen et la Haye), sous la date du 20 décembre 1676, une lettre à Mme de Grignan, que nous ne reproduisons point ici. Il est bien évident d’abord que Mme de Sévigné n’écrivit pas à sa fille l’avant-veille du jour où elle alla l’attendre à dîner à Villeneuve-Saint-Georges (voyez la lettre du 28 août 1677). Quant à la lettre même, elle nous parait avoir été composée de fragments ;