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tation ni cabale. » Cette conversation finit, et se passa fort bien.

Ah ! j’ai retrouvé ma gronderie : c’est que si vous aviez demandé plus tôt cette sénéchaussée de Grasse, vous l’auriez eue : le chevalier de Séguiran[1] la demanda, et l’obtint, il y a trois semaines ; il l’a vendue dix mille francs qui vous auroient été fort bons. Il n’en coûte rien de proposer certaines choses : on s’amuse au moins à voir si elles sont possibles.

Adieu, ma très-aimable : vous voilà toute grondée, et vous verrez qu’après cette bouffée de méchanceté, vous ne trouverez plus que de la douceur, et une tendresse et une joie extrêmes en vous embrassant. Voilà le chevalier et Corbinelli qui ne veulent plus vous écrire. L’abbé de la Victoire mortuus et sepultus est[2].

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603. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, dimanche au soir 13e décembre.

Que ne vous dois-je point, ma chère enfant, pour tant de peines, de fatigues, d’ennuis, de froid, de gelée, de frimas, de veilles ? Je crois avoir souffert toutes ces incommodités avec vous : ma pensée n’a pas été un moment

  1. 3. Nom d’une famille provençale. Un Henri de Séguiran avait épousé Suzanne Fabri, sœur du célèbre Peiresc, ami de Malherbe, et il en avait eu un fils, nommé Reinaud de Séguiran.
  2. 4. Est mort et enterré. — C’était Claude Duval de Coupeauville, abbé de la Victoire (voyez tome II, p. 84, note 4). On lit dans la Gazette du 12 décembre : « Le Roi a donné l’abbaye de la Victoire au second fils du duc d’Enghien. » L’abbaye de la Victoire la Sainte Vierge, à une lieue à l’est de Senlis, fut fondée par Philippe Auguste après la victoire de Bouvines.