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lauriers et des approbations qu’on lui donne. Je crois que Vardes vous mènera le grand maître, qui s’en va recueillir une petite succession de quatre cent mille écus[1]. Vardes l’attendra au Saint-Esprit, et j’ai dans la tête qu’il le mènera à Grignan ; peut-être aussi qu’ils n’y penseront pas. La bonne d’Heudicourt[2] a été dix jours dans la gloire de Niquée[3] mais comme on ne lui avoit donné un logement que pour ce temps-là, elle est revenue, et on l’a trouvé très-bon. Le tempérament et le détachement de vos pichons régnent assez dans ce bon pays-là.

M. du Maine est un prodige d’esprit. Premièrement, aucun ton et aucune finesse ne lui manque. Il en veut, comme les autres, à M. de Montausier, pour badiner avec lui : c’est sur cela que je dis l’iniqua corte [4]. Il le vit l’autre jour passer sous ses fenêtres avec une petite baguette qu’il tenoit en l’air ; il lui cria « Monsieur de Montausier, toujours le bâton haut». Mettez-y le ton et l’intelligence, et vous verrez qu’à six ans on n’a guère de ces manières-là il en dit tous les jours mille de cette sorte. Il étoit, il y a quelques jours, sur le canal dans une gondole, où il soupoit, fort près de celle du Roi : on ne veut point qu’il l’appelle mon papa ; il se mit à boire, et follement s’écria « À la santé du Roi, mon père ; » et puis se jeta, en mourant de rire,

  1. 3. Voyez la lettre du 31 juillet précédent, tome IV, p. 556. C’était la succession de l’évêque d’Alby, son grand-oncle. Le marquis de Vardes habitait alors Montpellier.
  2. 4. Bonne, par antiphrase, et peut-être par allusion au prénom de Mme d’Heudicourt: voyez tome II, p. 50, note 16.
  3. 5. Voyez la note 14 de la lettre du 29 juillet précédent, tome IV, p. 547.
  4. 6. Les mots a pour badiner avec lui, s ne sont que dans les éditions de 1726; la suite, jusqu’à l’iniqua corte (« l’inique cour; » voyez tome IV, p. 548, note 17), ne s’y trouve pas.